Le siècle qui s’est achevé a été celui d’évolutions considérables pour l’histoire des femmes, et le domaine du sport n’a pas été à l’avant-garde de ces évolutions.

Les Femmes et la Boxe

Le siècle qui s’est achevé a été celui d’évolutions considérables pour l’histoire des femmes, et le domaine du sport n’a pas été à l’avant-garde de ces évolutions.

Les expressions « noble art » ou « escrime des poings », sont utilisées depuis très longtemps pour désigner la boxe. La noblesse de celle-ci trouve son origine dans l’exigence de ses qualités (combativité, courage, ruse, sens tactique, sens de l’honneur) traditionnellement attribuées aux nobles.

Les boxeurs seraient donc des petits soldats des temps modernes qui pratiqueraient l’art du combat avec un sens tactique et une stratégie. Cette pratique fascine, intrigue et attire depuis peu les femmes qui étaient jusqu’alors hostiles à ce sport.

Cette attirance des femmes pour les sports de combat, nous amène à nous poser un certain nombre de questions sur l’évolution de notre société. Seraient-ce les suites d’un long processus de maturation des femmes et de notre société qui les conduiraient à la pratique de ce sport ? Ou bien au contraire, les causes d’un processus de décadence d’une société qui tendrait à être régie par la violence ?

Pour répondre à ces deux questions, nous parlerons dans un premier temps du pugilat ancêtre de la boxe, nous situerons par la suite le début de la boxe moderne et les évolutions que ce sport a subies au cours du temps pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, et nous définirons également le cadre de la pratique féminine pour nous intéresser aux motivations qui amènent les femmes à s’orienter vers l’exercice de ce sport.

Le pugilat ancêtre de la boxe, désigne un combat à coups de poing, ces combats remontent à la nuit des temps, et les traces les plus anciennes de confrontation à poings nus apparaissent à la période sumérienne entre 3 500 et 1 500 ans avant notre ère. Des tablettes d’argile, découvertes lors de fouilles archéologiques près de Bagdad, représentent clairement des lutteurs et des boxeurs face à face.

Mais c’est en Grèce que le pugilat acquiert ses lettres de noblesse, on retrouve notamment dans l’Iliade œuvre littéraire attribuée au poète Homère écrit aux alentours de 850 av. J.-C., le premier récit d’un combat qui se serait déroulé vers 1100 av. J.-C. durant le siège de Troie.

Le pugilat fait son apparition pendant les Jeux Olympiques antiques lors de sa 23ème édition en 688 ; les Romains durant cette période reprennent à leur tour cette pratique et semblent réserver celle-ci aux gladiateurs. Ces mêmes gladiateurs portaient le « ceste », gants de cuir cloutés de métal qui leur permettaient d’estropier, voire de tuer leur adversaire dans le cadre de combats.

Choquée par la cruauté de ces tueries et de cette barbarie, la chrétienté décide en l’an 392 de notre ère d’interdire la pratique du pugilat et interdit simultanément les Jeux Olympiques.

Durant cette période, dans un souci d’évangélisation, l’Église cherche à cantonner le sport à un divertissement et fixe ainsi les règles des tournois. Elle dresse une liste des lieux (églises) et des jours où toutes violences sont proscrites (mercredi et dimanche).

Ces interdictions visent surtout les chevaliers qui avaient tendance, en dehors des périodes de guerre, à se défouler en saccageant les récoltes, en pillant les villages et en violant des femmes.

La peur de l’an mil, significative de fin du monde, accroît les craintes et le souci de ne pas déplaire à Dieu par des actes de barbarie. Pourtant, selon certains historiens, vers l’an mil des scènes de pugilat auraient eu lieu à Venise sur le pont du Diable. Cette pratique réapparaît en Angleterre comme l’atteste un article de la revue du Protestant Mercury de Londres, en 1681. L’article relate une rencontre avec la pratique du pugilat entre le majordome et le boucher du duc d’Albemarle.

Au début du XVIIIème siècle, on découvre une forme de combat à poings nus, organisée par des parieurs. Le premier boxeur reconnu comme champion du monde poids lourd fut l’Anglais James Figg, en 1719.

En 1743, un journaliste anglais du nom de Jack Broughton présente les premières règles de la boxe. Ces règles définissent la surface d’affrontement désignée comme étant le ring, et elles fixent également la règle du KO, selon laquelle le combattant qui demeure à terre plus de 30 secondes est déclaré vaincu.

La boxe Anglaise moderne fera alors son apparition en 1867, avec les règles de Queensberry sous les auspices de John Sholto Douglas, 9ème Marquis de Queensberry. Ces règles ont mis l’accent sur les qualités du boxeur plutôt que sur celles du lutteur, elles ont également privilégié l’agilité plutôt que la force, et ont permis de diminuer l’aspect trop brutal de ce sport. Ces nouvelles règles interdisaient les combats à mains nues, le corps-à-corps ainsi que les étouffements.

La durée de chaque combat a été définie, elle sera donc divisée en reprises de trois minutes, espacées d’un temps de repos d’une minute. Malgré ces nouvelles règles, les combats à poings nus continuaient d’exister dans la clandestinité et le dernier champion poids lourd à mains nues sera l’américain John L. Sullivan, qui remporta son dernier combat en 1889 face à Jack Kilrain.

Le populaire John L. Sullivan perdit son titre de champion du monde poids lourd face à James J. Corbett à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane le 7 septembre 1892, lors du premier combat de boxe avec port de gants de protection. À partir de cette date, tous les combats de boxe professionnelle furent régis sous les règles de Queensberry.

Au début du XXème  siècle, on commence à différencier la boxe amateur de la boxe professionnelle. En ce qui concerne la boxe amateur, elle fait son entrée aux Jeux Olympiques en 1904 à Saint-Louis (États-Unis). Mais ce n’est qu’à partir de 1920, lors des Jeux Olympiques à Anvers (Belgique) que la boxe fera partie de toutes les autres éditions, dont découlera à Paris en 1924 l’organisation des premiers championnats d’Europe de boxe amateur.

En 1946, l’Amateur International Boxing Association (A.I.B.A) est créée, elle s’occupe encore actuellement de la boxe mondiale, et il faudra attendre 1974 à Cuba à La Havane pour assister au premier championnat du monde de boxe amateur.

Les boxeurs amateurs sont classés selon 10 catégories, les combats masculins se déroulent en trois reprises de trois minutes espacées d’un temps de repos d’une minute, pour les combats féminins les règles changent pour s’effectuer en quatre reprises de deux minutes, espacées également d’un temps de repos d’une minute.

En ce qui concerne la boxe professionnelle, naît en 1920 la National Boxing Association (NBA). Elle change de nom pour la World Boxing Association (WBA) en 1962, et en 1963 est créée la Cour World Boxing Council (WBC). Vingt ans après la seconde fédération, une troisième fédération voit le jour en 1983, l’International Boxing Fédération (IBF), lui succède en 1988 la World Boxing Organisation (WBO). C’est pourquoi une certaine confusion règne dans le monde de la boxe professionnelle en raison du nombre important d’organismes fédérateurs.

Avant 1982, les combats de boxe professionnelle se déroulaient en 15 reprises de trois minutes, mais suite à la mort d’un sud-coréen Duk-Koo Kim lors de son championnat du monde, saoulé de coups au 15ème round, les fédérations ont décidé de réduire la durée des combats, passant de 15 à 12 rounds.

La boxe fait partie de ces sports masculins qui se sont ouverts aux femmes que tardivement. En effet la première licence de boxe féminine fut prise lors de la saison 1990/1991. Mais qui aurait pu penser au début du siècle dernier, que les femmes auraient un jour souhaiter et pu pratiquer cette discipline, sport extrêmement dur, qui se pratique avec un esprit de guerrier et qui tire surtout son origine du pugilat.

La pratique féminine n’est pas différente de la pratique masculine. En effet, la logique interne de la discipline reste inchangée, et on pourrait définir cette logique par trois grandes lignes:

  • Sport d’opposition
  • Limite de temps et de surface (le temps d’affrontement et le ring)
  • Cibles autorisées (la face antérieure du corps de la tête à la ceinture, avec une surface de touche ou de frappe autorisée: la tête des métacarpiens)

Tout en conservant sa logique interne, la boxe a su diversifier sa forme de pratique. Dans un souci de répondre aux besoins de chaque pratiquant, plusieurs formes de pratiques ont été mises en place, avec des logiques différentes. En effet, pour la boxe amateur et la boxe professionnelle, la règle du combat est d’atteindre son adversaire avec suffisamment de puissance pour que l’efficacité du geste lui permette de mettre l’adversaire hors combat. La boxe éducative suit une logique opposée où l’intégrité physique des pratiquants reste le point essentiel à prendre en compte. Cette facette de la boxe ne dénature pas la discipline, en définitive, le but de la boxe éducative est d’atteindre une cible autorisée, l’objectif est donc bien de créer une situation d’opposition, dans laquelle les deux adversaires doivent développer la maîtrise de leur comportement technique et tactique en même temps que la maîtrise de leurs émotions et de leur force physique, dans le respect du règlement spécifique lié à l’activité.

Biologiquement l’homme et la femme se différencient de par leurs caractères sexuels primaires et secondaires, par leur grandeur anatomique ainsi que par leurs caractéristiques physiologiques et constitutionnelles, ce qui naturellement influe sur leurs capacités sportives respectives.

C’est dans cette logique que des directives et des ajustements ont été mis en place dans le cadre de la compétition. La boxe loisir peut être pratiquée pour les filles dès l’âge de 8 ans, et pour la boxe éducative assaut seul le poids des gants est différent.

Malgré ces aménagements, des questions subsistent quant aux motivations qui poussent les femmes à pratiquer ce sport.

« Les progrès sociaux et les changements de période s’opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté, et les décadences d’ordre social s’opèrent en raison du décroissement de liberté des femmes » Charles Fourrier (1910).

À la lecture de cette citation, on s’accorde à constater que de nombreux progrès sociaux ont été acquis grâce aux progrès des femmes vers la liberté. Notre société est en pleine mutation et de nombreux facteurs influencent l’orientation sportive des femmes. Autrefois, les rôles sociaux des hommes et des femmes étaient prédéfinis, les hommes travaillaient pour subvenir au besoin de leur famille, les femmes s’occupaient du foyer. De nos jours, ces rôles se confondent complètement.

Dans le domaine sportif, des mutations ont également eu lieues. Le sport s’est démocratisé, les femmes pratiquent des sports qui étaient réservés aux hommes tels que le football, la lutte, l’haltérophilie. Mais c’est également le cas pour les sports qui était réservés essentiellement aux femmes, comme la danse, le twirling bâton, qui sont aujourd’hui des activités pratiquées par des hommes.

D’autres facteurs sociaux interviennent dans cette mutation, actuellement notre société accorde une grande importance à l’image corporelle, et on parle de « culte du corps », mais aussi à la beauté, et l’apparence physique. Cette apparence tendrait à définir notre trait de caractère. Cette mise en valeur du corps est un phénomène récent, et c’est pour cela que la recherche d’un corps jeune et tonique conduit les femmes à pratiquer un sport, et la boxe est reconnue comme un sport complet où l’entraînement physique prend une place toute particulière.

L’utilisation de la boxe comme moyen de défense, dans une société où l’insécurité est grandissante a également favorisé l’attrait des femmes pour ce sport.

En effet, les femmes sont malheureusement trop souvent victimes de violences. On pourrait définir la violence comme un acte par lequel un individu exerce une force qui peut se traduire soit par une violence physique, verbale ou morale par intimidation dans le but de soumettre une personne. La boxe n’a pas vocation à stopper l’escalade de la violence par la violence, en revanche, elle peut permettre d’avoir un meilleur contrôle de ses émotions et donner une certaine assurance, pour permettre d’appréhender au mieux une situation qui pourrait s’avérer difficile.

Il est certain que la boxe a toujours été très marquée socialement, mais il est un peu court de dire que c’est un sport dit de banlieue. Le combat d’homme à homme n’est pas exclusif à la banlieue de même que des voyous. Le Cardinal de Richelieu avait interdit les duels car cette pratique décimait beaucoup trop de nobles, pour une simple querelle, les aristocrates s’assignaient pour se donner la mort. On se souvient également de l’affrontement imaginé par Shakespeare entre les nobles familles Montaigu et Capulet.

Le septième art s’est aussi fortement intéressé à la boxe, comme en témoigne le film Raging Bull  où Martin Scorsese met en scène les mémoires de Jake LaMotta. Par la suite, de fortes personnalités de la boxe, comme Mohammed Ali, ont su donner une autre dimension à ce sport, en proclamant haut et fort, leurs convictions politiques mais aussi religieuses, et en se servant de leur pratique sportive pour pouvoir exprimer leurs revendications sociales. Son combat d’anthologie contre George Foreman, le 30 octobre 1974 au Zaïre à Kinshasa le fait entrer dans l’histoire de la boxe Anglaise.

La femme peut très bien trouver dans la pratique de la boxe, perçue comme un sport masculin, une place pour se revendiquer l’égal de l’homme.

Plus récemment, le film de Clint Eastwood, Million Dollar Baby (oscar du meilleur film), met en scène la vie d’une boxeuse et traite entre autres de la relation particulière entre une boxeuse et son entraîneur. Ce film marque un grand tournant pour l’image de la boxe en général, car d’une certaine façon, il permet d’humaniser ce sport qui depuis trop longtemps souffrait de son image.

Du pugilat à la boxe loisir, le noble art a considérablement évolué au cours du temps. Les qualités techniques cédant peu à peu le pas à la violence pure. La boxe a été pendant longtemps une pratique marginale, mais elle a su évoluer ces dernières années en proposant des formes de pratiques adaptées aux attentes des femmes, des jeunes, en utilisant des outils pédagogiques adaptés à l’apprentissage de celle-ci, tout en conservant la logique d’opposition qui lui est propre.

De nos jours, l’image de la boxe semble évoluer positivement et semble se débarrasser de ses clichés, pour laisser place à une pratique sportive complète et épanouissante.

Bibliographie: Michel Chemin, La Loi du ring, Découvertes Gallimard, 1993